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GM 2016 photo: C. Berlet24.jpg

 

 

            Le cuir est une matière vivante qui s’embellit avec l’âge. Il se patine, sa teinte évolue, son toucher aussi. Il devient brillant dans sa plus grande surface et mat aux endroits les plus sollicités. Il est un témoin, marque les coups reçus, se raye des griffes qui n’auront pu atteindre ce qu’il protège. Mais le plus fascinant encore reste sa faculté à s’identifier à son utilisateur. Reconnaissant avec les personnes naturellement soigneuses, il réfléchit fidèlement la précaution des gestes, brille d’un éclat homogène et révèle la profondeur subtile d’une teinte enrichie par le temps. A l’inverse, il s’avère d’une grande générosité avec les insouciants, témoignant tout aussi fidèlement d’une activité impétueuse, le cuir est alors zébré d’un panache de marques couvrant toute une gamme d’intensités, allant du léger frottement à l’éraflure la plus brutale ; il se fonce plus rapidement et renvoie à celui qui le regarde les traces d’une vie qui ne souffre pas de retenue. 

       Ces caractéristiques de «matériau vivant» se retrouvent sur la plupart des cuirs à condition qu’ils échappent aux traitements industriels de plus en plus répandus. Afin d’imperméabiliser et de protéger les cuirs, les peaux sont «couvertes» d’une fine pellicule de plastique. Le résultat, très efficace, dénature totalement les belles vertus du cuir. S’il y a indéniablement des usages qui justifient ce genre de cuirs, je leur préfère ceux qui gardent leur véritable potentiel, leur beauté étant incomparable. 

          Créer un objet doit pour moi toujours répondre à une double exigence. Celle de l’ergonomie, qui rend l’usage agréable. Et celle de l’esthétique épurée, afin de permettre à un matériau noble d’exprimer toute sa beauté sans artifice.

          J’ai commencé la sellerie maroquinerie à trente ans, afin de calmer un brûlant désir de travailler avec les mains. Alors que je cherchais un artisan chez qui apprendre un métier, c’est à la porte d’un compagnon du devoir rencontré auparavant que je suis allé frapper : il était sellier-maroquinier. Après quelques années consacrées à l’apprentissage de différentes techniques, j’ai décidé de créer des articles. J’ai alors réalisé que je marchais peu ou prou dans les pas de mes grands pères, le premier ayant dirigé une usine de fil à coudre, quand le second créait une marque de maroquinerie. Mes parents ne se doutaient certainement pas qu’en me donnant comme autres prénoms civils ceux de mes grands pères, ils choisissaient ainsi, et avec trente cinq ans d’avance, mon nom d’artisan : Gustave Maurice.

 

 

 

 

 

 

 

            Leather is a living material which improves with age, acquiring a patina. Its colour and the way it feels evolve – some parts will be shiny, others that are constantly handled become matt.  Leather is a witness to our lives taking on its user’s personality, faithfully reflecting careful gestures, revealing the subtlety of time. For the more active, marks become memories of an intense life – from the lightest rubbing to the most brutal scratching.

            To waterproof and protect leathers, more and more manufacturers cover the skins with a thin plastic layer. The result is very effective but completely alters the qualities of leather. In some cases this type of treated leather is undeniably useful, but I prefer those who keep their true potential, their beauty being unmatched.   

 

            In my opinion, the creation of an object must meet two requirements: ergonomics, which make the object a pleasure to use; and esthetically simple designs, which allow the precious material to fully show its natural beauty.

            I started studying fine leatherwork when I was thirty, to fulfil to an urgent need to work with my hands. I was looking for an artisan who could teach me their craft, and I knocked on the door of a “Compagnon du devoir” (member of a respected French guild of craftsmen and artisans established in the Middle Ages). I had met a few years before: he was a fine leather craftsman. After several years spent learning the different techniques, I decided to create my own designs. I then realised that I was more or less following the steps of my grandfathers: the first managed a sewing thread factory while the second created a fine leather goods brand. My parents could not have guessed, when they gave me middle names to honour my two grandfathers, that they were choosing, thirty five years in advance, my artisan’s name: Gustave Maurice.